Trad / folk, quelle différences ?

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C’est quoi un bal folk, c’est quoi un bal trad ?

Je ne sais pas bien répondre à ces questions. Avec plusieurs des groupes dont je fais partie on fait des bals dans lesquels il y a un joyeux mélange de musiques traditionnelles de différentes régions ou pays (dont on n’est pas originaires), avec des danses plus ou moins traditionnelles, ou populaires, ou d’invention récente… Moi j’appelle ça un bal folk, mais pour ne pas qu’il y ait d’ambiguïté, j’aime bien désigner toutes ces réalités par le néologisme « folkotrad ». Ceci dit, ça ne m’empêche pas de me poser plus avant la question. Voici l’état actuel de mes questionnements.

Musique traditionnel, musique « folk », quelles différences ? Éternelle question, qui divise les musiciens depuis deux générations (auparavant, le « folk » n’existait pas).

La musique traditionnelle est sans doute la plus facile à définir. Ses caractéristiques pourraient être les suivantes :

  • Il s’agit d’une musique transmise oralement, de génération en génération, au moins jusqu’à une période récente (ou des musiciens plus académiques se sont attelés à la tâche de les transcrire)
  • On n’en connaît pas l’auteur
  • Elle s’inscrit dans un style bien particulier, caractéristique d’une zone géographique donnée, qu’il est facile de reconnaître à l’oreille pour un habitué

La musique traditionnelle a probablement été la seule musique populaire possible jusqu’à l’avènement des disques et de la radio : sur son terroir, si l’on n’avait pas les moyens de se payer le concert ou de prendre des cours de musique « savante », on ne pouvait qu’écouter de la musique traditionnelle dans les bals, mariages et autres enterrements. La musique traditionnelle est donc complètement liée à un mode de vie.

Encore très vivante au début du XX° siècle (je parle ici pour la France, dans d’autres régions du monde elle est encore prépondérante), la musique traditionnelle a fortement régressé ensuite, pour n’être plus pratiquée et transmise que par de rares individus isolés dans les années 50-60.

C’est à cette époque qu’une nouvelle vague de musiciens commença à s’intéresser aux musiques et danses traditionnelles pour sauver ce qui pouvait encore l’être de ce patrimoine menacé. Ces jeunes, souvent issus du milieu citadin, formés à la musique dans les conservatoires, entamèrent des démarches de collectage partout où c’était possible. Cette démarche accompagnait probablement la vague d’intérêt renaissant pour la campagne et le retour à la terre.

Cette démarche a probablement sauvé la musique traditionnelle française, qui est maintenant à nouveau beaucoup pratiquée dans toutes les régions, bien que parfois dans un esprit un peu différent : elle reste souvent jouée « comme avant », alors que très probablement autrefois elle évoluait sans cesse au gré des déformations volontaires ou involontaires dues à l’absence d’enregistrement ou de notation musicale.

Cette démarche, au-delà de la simple conservation du patrimoine, a également contribué à générer un nouveau courant, celui du « folk ». Il s’agit en général de réexploiter des racines traditionnelles (des mélodies, des paroles de chansons, des danses) en les diversifiant, en les mélangeant avec des influences plus récentes, en utilisant des instruments complémentaires, des harmonies modernes, etc… On peut citer, comme premiers exemples particulièrement connus : Malicorne, Tri-Yann, etc… Il me semble constater que cette tendance gagne rapidement du terrain en ce début de XXIème siècle. Il est maintenant très courant d’entendre des groupes mélangeant des inspirations et instruments traditionnels avec des apports modernes (influences musicales, instruments électriques…). J’ai tendance à penser qu’il y a là un rapport avec l’émergence de la « world » : on prend à droite à gauche des éléments qu’on aime et qui nous touchent, et on en fait le meilleur mélange possible.

Tout ça est encore compliqué par l’existence d’autres utilisations du terme « folklorique » : de nombreuses associations proposent des « danses folkloriques », danses traditionnelles présentées en costumes d’autrefois, pour le simple plaisir des yeux. Il n’y a pas forcément de participation possible pour le spectateur, on est ici loin de l’ambiance « bal trad » ou « bal folk ».

Différents mais proches

Loin de s’opposer, d’après moi Trad et folk s’interpénètrent et se nourrissent respectivement : les « folkeux » utilisent des racines traditionnelles qui les aident à s’éloigner un peu des grand courants musicaux mondialement connus (rock, reggae, disco, rap, pop…), les « trad » font également peu à peu évoluer leur musique à l’écoute des « folkeux », de telle sorte qu’on parle parfois de « musique traditionnelle de demain ».

La danse me semble constituer un espace de rencontre essentiel entre ces deux courants. Bien qu’apparaissent aujourd’hui des groupes inspirés du trad ou du folk essentiellement dédiés au concert, l’immense majorité d’entre eux se donnent en effet pour objectif de faire danser qui veut lors de « bals folk » ou « bals trad ». Danses souvent simples, conviviales, codées… La musique qui est jouée conditionne évidemment le public qui vient et la manière dont il danse : des spécialistes qui connaissent les 10 variantes de telle forme locale de bourrée, à ceux qui connaissent les pas les plus simples et ont une tendance à se déhancher ou à improviser de nouvelles figures pour suivre une ambiance musicale déviante…

Selon les lieux donc, se presse dans les bals un public familial, jeune ou d’initiés, mais vaille que vaille le bal tient le choc. En tant que représentant du courant « folk » plutôt que « trad », et bien qu’amateur de sons modernisés, je suis profondément touché par la dimension collective des danses traditionnelles : le fait que tout le monde danse la même chose au même moment, voire danse tous ensemble lors de danses de groupe, amène une émotion et une convivialité que je ne trouve pas dans les « concerts debout » de musique actuelle, même si ceux-ci sont souvent pleins d’une énergie revigorante. Je voue donc une reconnaissance profonde à la composante plus « trad », grâce à laquelle ce que je fais reste ancré. C’est précisément cet ancrage qui me donne la liberté de partir en toute sécurité en exploration vers d’autres horizons musicaux

Au sein des « Bals du mois » en Lozère, on a longuement, longuement causé de tout ça pour décider si ce qu’on programmait devait s’appeler du « folk », ou bal « trad ». Jamais d’accord, toujours à argumenter dans un sens ou dans l’autre, on a fini par convenir d’une chose : quel que soit le style de ce qui se joue, on trouve notre bonheur si on peut danser dans un esprit collectif et convivial. La seule solution consistait à trouver un terme qui respecte la diversité des publics. Alors on a décidé que dorénavant, en Lozère, on programmerait des bals « folkotrad », à moins que ça ne soit « tradofolk », on n’a pas vraiment tranché.

Et on a arrêté de réfléchir pour aller danser, chacun à sa manière.

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